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Frosthaven: Pourquoi?

Par Lil Chonk, rappeur rolistique,  en direct du dernier bout du monde. Spéciale dédicace à ceux qui sont encore là après tout ce temps. Wesh.

                Si j’suis là aujourd’hui, c’est pour vous parler dans la vraie vie,  d’un petit évènement dans le milieu du jeu de rôle. Et en tant que fan de jeu de rôle, ça me fait mal de vous le dire comme ça mais c’est Frosthaven.

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                Ouaip, vous ne vous trompez pas : Frosthaven. Créé par Isaac Childres, édité par Celophair, il s’agit de la suite de Gloomhaven,  un jeu de plateau coopératif où il est question d’exploration de donjons, de combats contre des monstres et de choix qui changent l’histoire. Pourquoi un évènement ? Car Frosthaven a réuni la coquette somme de presque 13 000 000 de dollars pour son financement participatif, devenant ainsi  le jeu de plateau le plus vendu de Kickstarter.

                Mais foi de p’tit chonk, laissez-moi vous expliquer pourquoi ce jeu est nul, pourquoi c’est un jeu de rôle et comment il se vend tellement mieux quand même…

Gloomhaven est nul ! :

                Vous avez vu le jeu ? Déjà, c’est un investissement de 130 euros, juste pour le jeu de base. Ça implique d’avoir du matos.  A ce prix-là, pour un jeu de rôle, vous avez un livre du joueur, un livre du maître et un livre de campagne.

                6 classes de personnages différents jouables mais on ne peut pas choisir la race. D’ailleurs, si le fait que ce soit des races différentes d’un univers  médiéval fantastique est sympa, on ne peut pas dire que leur description soit énorme. 7 lignes sur la classe, 7 lignes sur la race et un background digne des meilleurs scénarios de Vin Diesel : vous êtes dans une auberge, une aventurière aux allures riches s’approchent de vous…

                Un évènement aléatoire avant le scénar, un après au retour à la ville et entre les deux, le cœur du jeu : le donjon.  Présenté d’un coup dans le livre dédié, bonjour la surprise. Pour pouvoir le jouer, il faut lire 30 pages de règles parfois étranges comme l’intelligence artificielle et les règles de priorité de ciblage. Il y a une FAQ assez conséquente en complément.  Lourd.

                En parlant de lourd, je vais aborder la mise en place du jeu. Un plateau avec des pions en cartons pour le décor, des ennemis avec leur paquet de cartes. Chaque joueur a un plateau, un paquet de cartes pour l’aléatoire, un paquet de cartes actions, une feuille de personnage… et je vous passe les pions annexes pour les états comme assommé ou empoisonné.

                  On joue tous en même temps. On choisit 2 cartes dans sa main et on les révèle. Elles sont numérotés de 1 à 100 et contiennent 2 actions, 1 en bas, 1 en haut. Les actions du bas sont généralement des mouvements et celles du haut des attaques mais ce n’est pas tout le temps le cas. Donc vous ne faites pas ce que vous voulez, vous êtes guidés dans votre choix.

                Les scénarios ne sont pas très développés : tuer tout le monde et que l’un des joueurs sorte vivant. On ne peut pas dire que Vin Diesel va devoir se creuser la tête pour comprendre celui-là. Certains varient mais pas énormément. La ville est juste une phase où on gagne de l’expérience, où on achète son équipement.

                Les scénarios sont par contre liés les uns aux autres. Du fait de l’aléatoire des évènements autour, il est difficile d’avoir une progression évidente ou de savoir où on se situe dans l’histoire générale de Gloomhaven. On suit plus l’histoire de notre petit groupe qui voit des bouts d’une histoire plus grande. Chaque personnage a une quête personnelle, pas facile à résoudre et qui correspond plus à un achievement de jeu vidéo qu’à une vraie avancée de caractère. Chaque quête débloque une nouvelle classe de personnage la rendant jouable. 16 classes sont en tout disponibles.

                Donc pour résumer, pour 130 euros, vous avez la même chose qu’un jeu de rôle classique soit un système de jeu, un univers original avec une histoire mais une campagne que vous appréhendez au petit bonheur avec un jeu à la mise en place lourde et qui limite vos mouvements. Alors pourquoi 80 000 personnes ont remis 130 euros en moyenne pour avoir la suite ?

La réussite d’une alchimie :

                Bon, je vous dois une certaine honnêteté : je joue à Gloomhaven depuis 1 an et demi, plus de 60 scénarios à l’actif de notre groupe. Donc oui, j’en suis un fan inconditionnel.

                Il faut bien voir que Gloomhaven est bourré de défauts : Ce n’est pas un système très nerveux mais plus réfléchi, plus posé qui ne va pas simuler l’épique d’une situation et en effet, la gestion de l’histoire est par moment étrange. Et un peu comme un Zombicide, un Gloomhaven dépend beaucoup des gens autour de la table.  

                Mais si vous avez un groupe qui rentre dans le trip, vous aurez du mal à le faire sortir. Déjà parce que le système est assez simple au final. Oui, il y a un ou deux soucis au début mais le principe du jeu est accessible et en 1 séance, vous saurez tout ce qu’il faut faire. La force du système est la tension entre les joueurs quand ils doivent choisir leurs cartes pour faire en sorte que chacun puisse enchainer de la meilleure façon possible. Comme il est interdit d’annoncer l’initiative des cartes que l’on joue, il y a toujours une incertitude, un moment d’incompréhension quand ça ne marche pas ou un moment d’euphorie quand tout se goupille juste comme il faut. Et le fait d’être limité dans les actions permet à cette tension de se créer.

                Ensuite, l’histoire de son personnage est prenante : chaque niveau vous permet de gagner une carte de plus qui vous permet de créer de nouvelles combinaisons d’actions mais il vous permet aussi de mieux contrôler l’aléatoire, comme si vous pouviez trafiquer  vos dés, en ajoutant des faces ou en les changeant simplement. Si ce qui se passe autour de Gloomhaven est un peu confus, votre personnage lui est plutôt bien mis en avant.

                Les points forts du jeu, alors? L’équilibre à l’intérieur des donjons. Quel que soit le donjon que vous jouez, avec les classes que vous jouez et le niveau auquel vous jouez, le jeu est équilibré. En tout cas, la fourchette d’équilibrage du jeu tient le coup. Oui, certains scénarii sont plus faciles que d’autres mais le système de difficulté peut le rendre plus… rocailleux et dangereux.  

Autre point fort du jeu : les monstres. 47 types de monstres différents avec chacun son comportement, ses réactions et ses capacités. Et surtout mettre 2 types de monstres ensemble peut faire apparaitre des combinaisons plus fortes. Mettez un ours, l’une des créatures les plus fortes du jeu avec beaucoup de points de vie avec une fée qui peut le soigner et vous vous retrouverez avec un sacré problème sur les bras. Mettez notre ours avec des cultistes qui invoquent et vous allez devoir choisir votre cible. Les decks d’intelligence artificielle sont parfois tellement retors…

                J’ai beaucoup critiqué les éléments de l’histoire mais certaines idées sont sympas comme le fait de retrouver votre personnage parti à la retraite dans les rencontres aléatoires ou les différents codes qui parsèment le jeu. Il est difficile de vous parler de ce qui va arriver à votre groupe, de ce que cache Jekserah ou de ce que les 10 classes supplémentaires apportent. La seule chose que je peux vous dire, c’est que l’un des rares jeux où j’ai envie de toutes les jouer, et que deux personnes ne joueront pas un personnage forcément de la même façon.

                 Voilà tout ce qui explique le succès de Gloomhaven, ce n’est pas l’épique, c’est la coopération malgré l’adversité dans un univers dense, peuplé qui évolue. C’est une forme de jeu de rôle étrange en fait, qui rapproche les gens de la table…

En d’autres termes :

                Dans un jeu de rôle, on parle de la liberté de mouvement, d’interprétations et d’histoires. On parle d’univers colorés, denses et travaillés où les auteurs ont passé du temps à affiner la cohérence, du temps à peaufiner les détails. Mais ce n’est que de la poudre aux yeux. Un jeu de rôle au final, c’est ce que vous et votre bande de potes faites. Ce qui a poussé Frosthaven là où il est : ce n’est pas l’épique ou la poésie. C’est la coopération autour d’une table, la réflexion ensemble qui mène à la résolution du puzzle. C’est l’élément manquant à tous ces JDR qui écrivent un livre avant de créer un jeu que les gens peuvent s’approprier, tous ceux qui vont rester sur une étagère comme un bel objet.

 Chers auteurs/futurs auteurs de jeu de rôle, n’oubliez pas les joueurs.

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